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Avec sa biographie de lâauteur des Grands CimetiĂšres sous la lune», François Angelier offre un panoramique fouillĂ© dâune vie qui commença par le rĂȘve de devenir un chevalier de la chrĂ©tientĂ©. Et explore sa violente et surnaturelle contrĂ©e romanesque. Georges Bernanos 1888-1948, Ă©crivain français, en 1927. Laure Albin Guillot/Roger-Violletpar Philippe LançonIl avait imaginĂ© mourir une premiĂšre fois, puis revenir pour quelques secondes Ă la vie, avec, selon un confident, le privilĂšge de garder en mĂ©moire la lumiĂšre entrevue et de la contempler avec des yeux de vivant, des yeux de ce monde-ci, avant de mourir une seconde fois, dĂ©finitivement.» Mais Georges Bernanos nâest mort quâune fois, comme tout le monde, le 5 juillet 1948, Ă 60 ans. Il Ă©tait rentrĂ© de Tunisie en France pour y ĂȘtre, si possible, soignĂ©. Paris, lâArtois, le Pays basque, Bar-le-Duc, les PyrĂ©nĂ©es, de nouveau le Nord, et Majorque, et la France de nouveau, puis le BrĂ©sil entre 1938 et 1945, puis encore la France, et enfin la Tunisie⊠Dans sa vie, il avait dĂ©mĂ©nagĂ© trente fois. Son corps avait subi presque autant de maladies graves et dâaccidents. Cinq jours aprĂšs son dĂ©cĂšs, Julien Green note dans son journal Il savait toutes ces choses qui nous font souffrir. Câest mĂȘme de cela que sa grandeur Ă©tait faite. Il avait beau se prĂ©senter Ă nous en veston, il Ă©tait lâhomme de lâinvisible.» Dans sa biographie, François Angelier, en six cents pages, soulĂšve le nâest pas simple dans un pays oĂč le catholicisme que lâĂ©crivain incarnait avec ses tensions, ses fulgurances, ses rĂ©fĂ©rences, a fondu comme neige au soleil dâun dieu absent. Julien Gracq le remarquait dĂ©jĂ il y a trente ans Les serres chaudes du catholicisme, dont le climat vers 1930 faisait Ă©panouir comme des orchidĂ©es tous les puissants et singuliers fantasmes, les angoisses raffinĂ©es et tortueuses des romans de Bernanos et de Green, ont cessĂ© dâentretenir la tempĂ©rature qui permettait seule leur floraison.» Le veston de ce formidable Ă©crivain, Ă la fois grand romancier et grand polĂ©miste, ou plus exactement prophĂšte, est devenu une vieille tenture de velours sombre. Ses plis sont secouĂ©s par les courants dâair de lâhistoire du XXe siĂšcle. Quand elle bat sous lâeffet du vent, jaillit une lumiĂšre crue, sauvage, Ă©blouissante. De la terre colle au bord infĂ©rieur du tissu. On est dans une vieille et grande maison de campagne isolĂ©e, incommode, sans chauffage, un presbytĂšre plein de fantĂŽmes dâabbĂ©s, avec des vitraux, des armoiries, toute la ComĂ©die humaine de Balzac, les Ćuvres de LĂ©on Bloy, la vie de sainte ThĂ©rĂšse dâAvila. Dehors, la nuit et le diable ; dedans, aussi. On entend des hurlements de bĂȘte, des cris dâenfants, puis le silence enveloppe nâest pas le premier Ă entrer. Les fervents de lâauteur des Grands CimetiĂšres sous la lune et du Journal dâun curĂ© de campagne forment un cercle, dĂ©sormais restreint, mais intense et obstinĂ©. Max Milner, Jean-Loup Bernanos, Jean Bothorel, SĂ©bastien Lapaque ont dĂ©frichĂ© le terrain parcouru par le nouveau biographe. Son travail est une synthĂšse des leurs et, Ă travers une lecture minutieuse des romans, des essais, des articles, des lettres, un panoramique fouillĂ©, peut-ĂȘtre mĂȘme trop soucieux de ne rien oublier. Il dĂ©voile, autant que possible, le jeune catholique dâextrĂȘme droite, le caporal dĂ©corĂ© du 6e dragons de la PremiĂšre Guerre mondiale. Il nâĂ©vite pas le problĂšme de son antisĂ©mitisme, hĂ©ritĂ© dâune tradition, mais montre bien quâil serait anachronique de le juger selon nos critĂšres, et, de surcroĂźt, dĂ©placĂ© cet antisĂ©mitisme chrĂ©tien, qui ne contamine absolument pas son Ćuvre romanesque, ne lâa jamais conduit Ă faire, aux moments cruciaux de lâhistoire de France, de mauvais de zĂ©busAu contraire vivant Ă Majorque au dĂ©but de la guerre dâEspagne, Bernanos dĂ©nonce vite les crimes franquistes ; installĂ© au BrĂ©sil, il devient une des grandes voix de la France libre. Dans la cambrousse brĂ©silienne, il commence par Ă©lever des zĂ©bus, pensant quâils vont lui permettre dâĂ©crire. On ne sâimprovise pas Ă©leveur, surtout dans une rĂ©gion pauvre et aride ce sont ses articles qui lui permettront de nourrir ses bĂȘtes. Ceux-ci marquent tellement les esprits que De Gaulle lui demande, en 1944, de rentrer au pays. Il y revient en 1945, aprĂšs sâĂȘtre battu avec des Italiens dans un cafĂ© brĂ©silien. LâEtat français lui offre une CitroĂ«n. Il a un accident. Il y est habituĂ© chevalier des routes, il adore faire de la moto et ne cesse de se fracasser. Assez vite, il nâa pu marcher quâavec deux cannes, mais, quelques semaines avant sa mort, il fait encore des Ă©quipĂ©es dans le Sud tunisien. Il y a toujours chez lui un peu plus de libertĂ© que de souffrance, un peu plus dâĂ©nergie que de suit de prĂšs ce personnage et cet Ă©crivain hors de tout commun, individu qui ne cesse de changer de lieu et qui refuse toute espĂšce de collier et dâallĂ©geance, pĂšre de six enfants perpĂ©tuellement fauchĂ© mais perpĂ©tuellement soutenu, accueilli, financĂ© par des admirateurs plus ou moins fortunĂ©s. Le portrait qui apparaĂźt peu Ă peu est celui dâun homme qui Ă 40 ans, entre la mort de son pĂšre en 1927 et sa rupture avec lâAction française en 1932, sâest fort bien dĂ©fini Pensez Ă moi comme Ă une espĂšce de voyageur, dâaventurier. Je ne suis pas autre chose, je ne suis pas digne dâĂȘtre autre chose, et si jâentre au ciel, je voudrais que ce fĂ»t en qualitĂ© de vagabond. Quel titre aurais-je Ă guider personne ? Je ne peux rien faire que dâentraĂźner mon monde aussi loin que je peux aller. Me suit qui veut, Ă son risque et pĂ©ril, hĂ©las ! Je nâai pas pris de billet circulaire. Je peux bien mâarrĂȘter en pleine nuit dans une de ces petites gares obscures, ou mĂȘme Ă un simple passage Ă niveau, devant un bonhomme qui balance une lanterne dans le grand vent. âOĂč sommes-nous ?â me demandera-t-on⊠Heureux lâĂ©crivain qui peut rĂ©pondre, qui eĂ»t le droit de rĂ©pondre âQue vous importe ? Nous sommes loin.â» Ce que cherchent les bernanosiens» en suivant ce flambeau, câest ça une lutte sans merci avec le mal, le silence, le vide, la mort, pour accĂ©der Ă cet Ă©tat dâenfance, sans aliĂ©nation ni compromis, qui passe par toutes sortes de dĂ©routes, de fuites, et mĂȘme de crimes, quâon appelle la grĂące.Du sang sous les ongles»La violente et surnaturelle contrĂ©e romanesque de Bernanos peut paraĂźtre datĂ©e avec ses prĂȘtres, ses prĂ©lats, ses Ă©crivains cyniques, sa province Ă©touffante, ses salons parisiens remplis dâĂ©vĂȘques soyeux et dâintellectuels hypocrites. Ses histoires dĂ©routent dâautant plus quâelles Ă©chappent Ă lâordre rationnel et efficace» du rĂ©cit. Elles sont secouĂ©es, comme leurs hĂ©ros, par des forces qui semblent les dĂ©passer. Lâaction est cassĂ©e par les sentences du moraliste, ou, plutĂŽt, fouettĂ©e par lui. Le diable entre, tout semble Ă©cartelĂ©, dans les phrases et dans les consciences, par des chevaux dâApocalypse. Les ĂȘtres sont tendus, exaspĂ©rĂ©s, comme chez DostoĂŻevski. Quand le lecteur entre dans la piĂšce, chacun a du sang sous les ongles», et le mobilier est Ă©crit Angelier, sâest considĂ©rĂ© trĂšs tĂŽt comme tĂ©moin plus que comme âgendelettreâ», espĂšce quâil exĂšcre. Mais tĂ©moin de quoi ? Du combat entre son idĂ©e de la France, de lâhonneur, de la libertĂ©, du destin, de lâĂąme, et le monde tel quâil va -Ă sa perte, en passant par la mĂ©diocritĂ©. LâĂ©crivain rĂ©sume, dĂšs 1919, alors quâil revient de la guerre et nâa encore Ă©crit aucun roman, son Ă©tat Le mĂ©tier littĂ©raire ne me tente pas, il mâest imposĂ©. Câest le seul moyen qui mâest donnĂ© de mâexprimer, câest-Ă -dire de vivre. Pour tous une Ă©mancipation, une dĂ©livrance de lâhomme intĂ©rieur, mais ici quelque chose de plus une condition de ma vie morale.» Dans sa jeunesse, il a rĂȘvĂ© dâĂȘtre un authentique chevalier de la chrĂ©tientĂ©. Il est monarchiste, catholique, antirĂ©publicain, comme sa famille, aisĂ©e et originale. A lâĂ©cole, câest dâabord un cancre, sauf Ă lâĂ©crit. Un professeur note Celui-lĂ personnifierait assez bien lâĂ©lĂšve amateur, il en a quelques qualitĂ©s et Ă peu prĂšs tous les dĂ©fauts, en particulier une incurable paresse. Il nâa rien fait ; je me trompe, il a produit un certain nombre de chefs-dâĆuvre, non en latin et en grec, mais en français, peut-ĂȘtre mĂȘme en vers français ! Jâai nommĂ© Georges Bernanos !» La famille quitte Paris pour lâArtois. Le gamin court, libre, ensauvagĂ©, Ă travers champs et bois. Ă la maison, il force la bibliothĂšque paternelle et lit actif des Camelots du roi, puis, Ă 20 ans, de lâAction française, le jeune homme nâhĂ©site pas Ă se battre, Ă crĂ©er des scandales. Il connaĂźt mĂȘme quelques jours de prison. RemarquĂ© par LĂ©on Daudet et Charles Maurras, il est envoyĂ© Ă Rouen pour relancer le journal du mouvement. Il y parvient. Ses articles dĂ©gomment les rĂ©publicains, les notables et la gloire intellectuelle locale et nationale, pape agnostique du radicalisme le philosophe Alain. Lâamour lui-mĂȘme ne doit rien au hasard la femme de Bernanos, rencontrĂ©e Ă Rouen, descend semble-t-il du frĂšre de Jeanne dâArc. Angelier Ă©tudie de prĂšs son engagement volontaire en 1914. On ne sait pas trop ce quâil a fait dans les tranchĂ©es ; mais il en a vu assez pour comprendre que les charges de cavalerie, dont il rĂȘvait, ont laissĂ© place Ă la boucherie industrielle. GrĂące Ă son beau-pĂšre, il devient inspecteur des assurances en 1922 Je suis contraint de gagner ma vie en assurant les gens sur la leur.» Le succĂšs de Sous le soleil de Satan, en 1926, lâincite Ă abandonner ce mĂ©tier, quâil exerçait trĂšs bien, Ă 38 ans Je nâai aucun intĂ©rĂȘt Ă assurer la vie de mes contemporains qui, dâailleurs, nâen vaut gĂ©nĂ©ralement pas la peine.» Bernanos est rarement Ă©conome de son mĂ©pris, mais on y sent toujours, comme chez LĂ©on Bloy, la prodigieuse colĂšre de son cĆur plein dâamour.» Il Ă©crit le plus souvent dans des cafĂ©s populaires. Il sâinstalle, Ă©coute les conversations, sây mĂȘle, longtemps, rĂ©agit, vitupĂšre, puis, Ă un moment, comme Ă©veillĂ©e par tant dâĂ©tincelles, lâĂ©criture verre dâeau-de-vieĂ quoi ressemblent ses personnages ? Voici, dans lâImposture, publiĂ© en 1927, lâabbĂ© CĂ©nabre entrant dans un cafĂ© Ă lâaube, prĂšs de la gare de lâEst, un garçon blafard venant dâouvrir le rideau de fer Sa solitude Ă©tait telle quâil entra lĂ dâinstinct comme on vient mourir prĂšs dâun inconnu, sur un champ de bataille dĂ©sert. Il sâinstalla sur lâĂ©troite banquette avec un profond soupir, suivant les allĂ©es et venues de son unique compagnon dâun Ćil presque Ă©garĂ©, vide de toute pensĂ©e, plein dâune tendresse obscure.» Le garçon lui sert un cafĂ© brĂ»lant, un grand verre dâeau-de-vie, puis, avec une discrĂ©tion professionnelle oĂč se marquait une commençante amitiĂ©, se reprit Ă frotter frĂ©nĂ©tiquement les tables dâun torchon gras, marchant sur le talon de ses savates.» LâĂ©crivain est toujours avec les pauvres, les solitaires, les scandaleux, les Ă©paves câest par eux, par leur expĂ©rience de la perte, de la misĂšre, du nĂ©ant, que lâĂąme finit par remonter. OĂč sont-ils aujourdâhui ? Peut-ĂȘtre dans un square ou le long dâun pĂ©riphĂ©rique, chez lâun de ces migrants ou de ces chĂŽmeurs abandonnĂ©s. Mais oĂč est le Bernanos qui les repĂȘche au fond du puits, phrase Ă phrase, pour les passer au gant de crin, en Ă©vacuant lâeau froide de lâidĂ©alisme puritain» ?A son retour en France aprĂšs la guerre, il est aussitĂŽt Ă©cĆurĂ© par ce quâil voit de vengeances, de bassesses, dâappartenances. Naturellement, il lâĂ©crit. Il quitte Combat, le journal dâAlbert Camus, aprĂšs trois articles. Il refuse quatre fois la LĂ©gion dâhonneur. Quand François Mauriac lui propose dâentrer Ă lâAcadĂ©mie française, il rĂ©pond Cette distinction nâest pas faite pour moi, ni pour lâespĂšce de services que je rends, et qui me font passer auprĂšs de tant dâĂ©tourdis pour un dĂ©molisseur alors que je voudrais â Dieu le sait â rester seulement jusquâau bout, dans une sociĂ©tĂ© qui tombe en poussiĂšre, le tĂ©moin de tout ce qui dure contre tout ce qui donne lâillusion de durer.» Autrement dit, Il y a des vĂ©ritĂ©s quâon ne saurait dire, ni mĂȘme Ă©crire, en habit de carnaval, câest-Ă -dire en jouant un personnage.»Il nâaimait guĂšre Mauriac, mais celui-ci, aprĂšs sa mort, a rĂ©sumĂ© sa grandeur et ses limites. En 1945, Ă©crit-il, nous nâavions pas Ă rougir de lâespoir que nous mettions en cet homme, lâun des derniers qui nous parussent Ă la mesure de notre destin. Avec quelle humble confiance nous nous tournions vers lui et nous guettions les paroles quâil allait adresser Ă un peuple recru dâhumiliation et de honte ! Ce que furent ces paroles, vous vous le rappelez il invita la jeunesse française Ă prendre le large et Ă sâexpatrier. Les injures dĂ©ception fut amĂšre, mais brĂšve. Tous nous avons trĂšs vite compris quâĂ un Bernanos, il nây avait rien Ă demander que dâĂȘtre lui-mĂȘme, que de rester lâhomme quâil Ă©tait intraitable dans lâimmĂ©diat et sur le plan des basses besognes quotidiennes. Il nâavait dâautre mission en ce monde que dâincarner ce que les mystiques appellent lâesprit dâenfance et de lui donner une voix.»François Angelier, Georges Bernanos, La ColĂšre et la grĂące, Seuil, 636 pp., 25âŹ.GEORGESBERNANOS. Une parole libre de Claire Daudin - Collection tĂ©moins d'humanitĂ© - Livraison gratuite Ă 0,01⏠dĂšs 35⏠d'achat - Librairie Decitre votre prochain livre est lĂ Carte mentaleĂlargissez votre recherche dans UniversalisFigure emblĂ©matique de l'Ă©crivain catholique au xxe siĂšcle â avec Claudel et Mauriac â, Bernanos ne saurait relever d'une Ă©cole littĂ©raire ou d'une tendance politique univoque. Si ses premiers romans Sous le soleil de Satan, L'Imposture, La Joie s'insĂšrent, par leur Ă©criture, dans la tradition balzacienne, ils n'en dĂ©passent pas moins les structures romanesques du xixe siĂšcle en y introduisant l'univers du surnaturel, tandis que Monsieur Ouine semble prĂ©figurer les recherches du nouveau Ă l'histoire contemporaine, les diffĂ©rentes prises de position de son Ćuvre politique, au premier abord contradictoires, imposent l'image d'un homme anticonformiste, libre de toute allĂ©geance Ă une hiĂ©rarchie catholique ou Ă un mouvement politique l'Action française. Admirateur de Drumont, qu'il appelle son vieux maĂźtre », Bernanos rĂ©cuse l'antisĂ©mitisme d'Hitler. Fervent catholique, il fustige l'Ăglise espagnole pour son comportement pendant la guerre d'Espagne. Adepte de Maurras, il se rallie d'emblĂ©e Ă l'appel du 18 juin 1940 lancĂ© par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et incarne, en AmĂ©rique latine, lors de la Seconde Guerre mondiale, l'esprit de la RĂ©sistance au moment oĂč, dans son ensemble, l'Action française soutient le marĂ©chal PĂ©tain. Monarchiste, Bernanos rejette la Terreur de 1793, mais se rĂ©clame du mouvement rĂ©volutionnaire de 1789. FonciĂšrement anticommuniste, il rĂ©prouve les excĂšs du capitalisme. Seule, une vision du monde humaniste spĂ©cifique peut rendre compte de ces de l'enfanceGeorges Bernanos naĂźt Ă Paris, le 20 fĂ©vrier 1888, au cĆur de la RĂ©publique opportuniste » 1879-1899, qui avait progressivement Ă©tabli un rĂ©gime rĂ©publicain et promulguĂ© une lĂ©gislation anticlĂ©ricale opposĂ©e aux valeurs de l'Ancien rĂ©gime, monarchiste et catholique, auxquelles adhĂ©raient ses parents. Son ascendance â espagnole et lorraine par son pĂšre tapissier-dĂ©corateur Ă Paris, berrichonne par sa mĂšre paysanne â devait exercer sur lui une profonde veut dĂ©couvrir le secret de sa vocation dĂ©crivain doit se pencher sur son enfance, oĂč prennent naissance les sources d'une crĂ©ation littĂ©raire, qui s'est accomplie sur une pĂ©riode relativement brĂšve 1926-1948 J'ignore pour qui j'Ă©cris, mais je sais pourquoi j'Ă©cris. J'Ă©cris pour me justifier. â Aux yeux de qui ? â Je vous l'ai dĂ©jĂ dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l'enfant que je fus. » Les Enfants humiliĂ©s. L'enfance de Bernanos est, en effet, le temps et le lieu d'une expĂ©rience privilĂ©giĂ©e la prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© de vivre une foi chrĂ©tienne authentique. DispensĂ©e par ses parents, puis dans des Ă©tablissements religieux â Ă Paris et en province â au cours de ses Ă©tudes secondaires, l'Ă©ducation catholique transmet Ă Bernanos une foi qui ne se rĂ©duit en aucune maniĂšre au respect traditionnel d'un code moral imposĂ©, mais se rĂ©vĂšle, au contraire, ĂȘtre l'adhĂ©sion de l'ĂȘtre entier Ă une personne au Dieu sensible au cĆur » de sa vie, dans ses romans inspirĂ©s par Balzac, dĂ©couvert et lu avec passion Ă l'Ăąge de treize ans comme dans ses essais politiques â oĂč il veut porter tĂ©moignage par fidĂ©litĂ© Ă Drumont, dont son pĂšre Ă©tait un fervent lecteur â, Bernanos cherchera Ă transmettre, par le langage, une expĂ©rience de et monarchiste par tradition familiale, il n'est pas homme Ă sĂ©parer la pensĂ©e de l'action. Menant de front, Ă Paris, licence en droit et licence Ăšs lettres, entre 1906 et 1913, il milite activement dans les rangs des camelots du roi de l'Action française, au point d'ĂȘtre arrĂȘtĂ© par la police au cours d'une manifestation, et condamnĂ© Ă cinq jours de prison Ă la SantĂ©, en mars 1909. RĂ©formĂ© pour raison de santĂ© en 1911, il parvient, en aoĂ»t 1914, Ă se faire admettre au sein du 6e rĂ©giment de Dragons, engagĂ© au front. Il est blessĂ© en 1918 et reçoit la Croix de de la Grande Guerre et des souffrances assumĂ©es dans les tranchĂ©es, Sous le soleil de Satan rĂ©pond Ă une volontĂ© de rendre au langage â dĂ©naturĂ© par de multiples formes de mensonges au cours des annĂ©es de guerre et d'aprĂšs-guerre â sa vĂ©ritĂ©, en lui donnant mission d'Ă©voquer la rĂ©alitĂ© la plus haute et la plus pure Ă laquelle puisse accĂ©der l'homme la saintetĂ©. Le succĂšs inattendu de ce premier roman, publiĂ© en mars 1926, incite Bernanos Ă abandonner sa profession d'inspecteur [...]1 2 3 4 5 âŠpour nos abonnĂ©s, lâarticle se compose de 5 pagesĂcrit par docteur Ăšs lettres, diplĂŽmĂ© de l'Institut d'Ă©tudes politiques de Paris, critique de cinĂ©maClassificationLittĂ©raturesĂcrivainsĂcrivains europĂ©ensĂcrivains de langue françaiseĂcrivains françaisAutres rĂ©fĂ©rences BERNANOS GEORGES 1888-1948 » est Ă©galement traitĂ© dans ÄEP JAN 1902-1974Ăcrit par Milan BURDA âą 982 mots NĂ© en 1902 en Moravie dans une famille paysanne pauvre, Jan Äep est un des reprĂ©sentants les plus importants de la littĂ©rature spiritualiste tchĂšque d'inspiration catholique du xx e siĂšcle. AprĂšs le baccalaurĂ©at, obtenu en 1922, il entre Ă l'universitĂ© Charles de Prague, oĂč il Ă©tudie le tchĂšque, l'anglais et le français. Il ne termine pas ses Ă©tudes et, pendant l'annĂ©e 1926, il collabore Ă l'acti [âŠ] Lire la suiteDIALOGUES DES CARMĂLITES F. PoulencĂcrit par Juliette GARRIGUES âą 1 252 mots âą 1 mĂ©dia Lâ opĂ©ra Dialogues des carmĂ©lites de Francis Poulenc, en trois actes et douze tableaux reliĂ©s par de brefs interludes, connut une genĂšse singuliĂšre. En 1953, le compositeur est en voyage en Italie. Lors dâune rencontre avec le directeur de la maison dâĂ©dition italienne Ricordi, Guido Valcarenghi, ce dernier lui suggĂšre dâĂ©crire un opĂ©ra sur le thĂšme de la foi et de faire appel Ă lâĂ©crivain catho [âŠ] Lire la suiteDIALOGUES DES CARMĂLITES F. Poulenc, en brefĂcrit par TimothĂ©e PICARD âą 322 mots Faire du mystĂšre de la grĂące et des exigences de la foi un sujet d'opĂ©ra, qui plus est un opĂ©ra ne faisant entendre majoritairement que des voix fĂ©minines n'allait pas de soi ; et pourtant ces Dialogues des carmĂ©lites , commandĂ©s par la Scala de Milan, ne posĂšrent de problĂšme ni Ă Francis Poulenc qui, nullement intimidĂ© par le chef-d'Ćuvre austĂšre et brĂ»lant de Georges Bernanos, acheva l'ouvrage e [âŠ] Lire la suiteSOUS LE SOLEIL DE SATAN, Georges Bernanos - Fiche de lectureĂcrit par Claude-Henry du BORD âą 959 mots Dans le sillage de LĂ©on Bloy et de Barbey d'Aurevilly, Georges Bernanos 1888-1948 incarne un autre type d'Ă©crivain engagĂ© le romancier et le pamphlĂ©taire catholique. Son combat s'inscrit plus dans une perspective psychologique, orientĂ©e vers le surnaturel, que vers une apologĂ©tique partisane. Bien qu'il soit nĂ© Ă Paris, Bernanos, Ă©levĂ© dans le Pas-de-Calais, gardera durant sa vie d'errance un [âŠ] Lire la suiteVoir aussiLITTĂRATURE FRANĂAISE XXe et dĂ©but du XXIe s. les essaisRecevez les offres exclusives Universalis
GeorgesBernanos, Histoire d'un homme libre (TV Movie 2020) Parents Guide and Certifications from around the world. Menu. Movies. Release Calendar DVD & Blu-ray Releases Top 250 Movies Most Popular Movies Browse Movies by Genre Top Box Office Showtimes & Tickets In Theaters Coming Soon Movie News India Movie Spotlight. TV Shows . What's on TV & Streaming Top
Jour dâhiver, 1922. Un cafĂ© de gare banal, quelque part dans lâest de la France. Dans un coin de la salle, un homme est attablĂ© et Ă©crit sur un petit cahier dâĂ©colier. Le geste de la main est vif, visiblement guidĂ© par une impulsion intĂ©rieure, qui concentre les traits de son visage. Mais de temps Ă autre, lâhomme relĂšve la tĂȘte et sâabĂźme dans la contemplation de ceux qui lâentourent un ivrogne qui sâattarde au bar, une mĂšre qui berce son enfant, un couple en pleine dispute, une serveuse qui sourit malgrĂ© sa fatigue⊠Ce quâil capte, absorbe comme un buvard, par une attention dĂ©licate et soutenue, câest la vie des hommes et des femmes, leur inlassable effort pour y a un siĂšcle, Georges Bernanos nâest pas encore un Ă©crivain reconnu. Il est alors employĂ© de la compagnie dâassurances La Nationale, pour laquelle il sillonne les dĂ©partements de lâest de lâHexagone. Entre deux rendez-vous, il Ă©crit dans les bistrots et les restaurants â une habitude quâil gardera toute sa vie â, ce qui deviendra son premier roman, Sous le soleil de Satan, publiĂ© en 1926.â CRITIQUE. Georges Bernanos », de François Angelier une plume tendue entre terre et cielTravailler dans les assurances, voilĂ ce que lâon peut appeler un contre-emploi pour cet homme fougueux, qui dĂ©teste la sĂ©curitĂ© et le confort. Ce gagne-pain lui donne le sentiment de gĂącher sa vie, mais il lâa acceptĂ© en 1919 pour subvenir aux besoins de sa famille. Avant la guerre, Ă lâissue de ses Ă©tudes de droit et de lettres, le jeune homme alors journaliste avait brillĂ© dans la presse monarchiste Ă Paris, puis Ă tempĂ©tueux et mĂȘme bagarreur, il sâĂ©tait fait remarquer par ses coups dâĂ©clat aux cĂŽtĂ©s des Camelots du roi, le mouvement nationaliste et antirĂ©publicain de Charles Maurras. Mais les cinq ans quâil vient de passer au front lâont changĂ©. Les combats de rue, les controverses faciles et le dandysme maurrassien ne lâintĂ©ressent Georges Bernanos, vers 1930. / Henri Martinie/© Henri Martinie / Roger-Violle Bernanos est entrĂ© en Ă©criture comme dâautres entrent dans les ordres. Avec le mĂȘme sentiment dâun appel reçu et la mĂȘme radicalitĂ©. Sa dĂ©cision sourd du traumatisme du premier conflit mondial encore fumant, dans lequel il a Ă©tĂ© pris comme tous ceux de sa gĂ©nĂ©ration. Au front, il a fait lâexpĂ©rience de lâoisivetĂ© et de lâennui, mais aussi du feu meurtrier et de la dĂ©rĂ©liction dans lâangoisse pleine et entiĂšre » de la guerre, il a lu PĂ©guy et Bloy. Sa foi catholique, ardente depuis lâenfance, sâest Ă©mondĂ©e. LâexpĂ©rience du naufrage est aussi celle de la prĂ©sence absente de Dieu. Dieu seul peut dĂ©brouiller ce chaos de sacrifices surhumains, de blasphĂšmes et dâadorations, de haine et dâamour », Ă©crit-il dans une lettre, en remĂšde spirituelDĂ©mobilisĂ© en 1919, Bernanos revient, blessĂ© et dĂ©corĂ©, dans une sociĂ©tĂ© fĂ©brile qui sâenivre de divertissements pour oublier la tragĂ©die et dĂ©grade le sacrifice de sa jeunesse en pompes commĂ©moratives ou en arguments politiciens. ĂcĆurĂ© par lâhypocrisie de lâarriĂšre et les mensonges dâĂtat, par la violence inĂ©galĂ©e dâune guerre industrielle, Bernanos veut sâengager dans une contre-offensive Ă cette dĂ©route que la crise que traverse la France est spirituelle, il lui cherche un remĂšde de mĂȘme nature. Ce que tant dâimbĂ©ciles tiennent pour des nuĂ©es creuses, la justice, lâhonneur, la foi, je les tiens pour des vivants plus vivants quâeux », avait-il constatĂ© au front. Bernanos se met Ă Ă©crire pour racheter le langage dĂ©figurĂ© par la propagande. Il ne veut pas parler de lâespĂ©rance avec un langage corrompu, souligne François Angelier, auteur dâune rĂ©cente biographie sur lâĂ©crivain 1. Le mot âespritâ fait partie des mots quâil a tentĂ© de racheter, comme âcourageâ, âhonneurâ, âsaintetĂ©â ou âsacrificeâ⊠Tous ces termes utilisĂ©s par les communicants et les publicitaires pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, il veut les rendre Ă la langue. » Dialogues des carmĂ©lites de Francis Poulenc », est la premiĂšre adaptation française Ă lâopĂ©ra du roman de Bernanos, le 30 octobre 2004 Ă lâOpĂ©ra Bastille, Paris. / Colette Masson / Roger-Violle La mort, Bernanos lâa cĂŽtoyĂ©e sous les drapeaux, mais ce nâest pas leur premiĂšre rencontre. Depuis lâadolescence, cette pensĂ©e angoissĂ©e accompagne son quotidien. Ce nâest pas que son enfance ait Ă©tĂ© malheureuse, ni traumatisante, au contraire. NĂ© Ă Paris en 1888, il a grandi dans la sĂ©curitĂ© et lâaffection, entourĂ© dâun pĂšre tapissier-dĂ©corateur dont les affaires auprĂšs dâune clientĂšle aristocratique marchent fort bien, et dâune mĂšre dont il louera la douceur et la la belle propriĂ©tĂ© familiale de Fressin, dans la campagne de lâArtois, rĂ©sidence secondaire puis principale des Bernanos, le petit Georges a connu le confort de la vie bourgeoise et vĂ©cu avec intensitĂ© les plaisirs de la vie au grand air. Ce monde rural encore sauvage, peuplĂ© de paysans et de prĂȘtres en soutane, constituera le panorama de ses futurs romans.â CRITIQUE. Georges Bernanos, prophĂšte pour notre temps », par Mgr Patrick ChauvetCette jeunesse heureuse, qui restera la boussole de sa vie, est pourtant assombrie par une santĂ© fragile et des Ă©pisodes maladifs rĂ©currents. SâĂ©veille tĂŽt en lui le profond sentiment de lâimpermanence des choses. Depuis longtemps â Ă cause de la jeunesse maladive et des prĂ©cautions quâon me faisait prendre â je crains la mort, et par malheur, peut-ĂȘtre mon ange gardien dirait-il par bonheur, jây pense toujours. La plus petite indisposition me semble le prĂ©lude de cette derniĂšre maladie dont jâai si peur », Ă©crit-il Ă un professeur devenu confident, Ă 17 de lâĂąme humaineLa mort va hanter toutes les fictions de Bernanos, depuis Sous le soleil de Satan, succĂšs immense qui le propulse sur le devant de la scĂšne littĂ©raire, jusquâaux Dialogues des carmĂ©lites, texte publiĂ© Ă titre posthume en 1949, oĂč la peur de la mort est surmontĂ©e dans le don de y prend des formes variĂ©es â le crime, le suicide, la mort de lâinnocent, la mort sacrificielle⊠â, mais porte toujours le mĂȘme scandale de lâarrachement au monde, que lâauteur aime profondĂ©ment. Jâignore si la vie mâaime, mais le bon Dieu mâa fait la grĂące de bien aimer la vie, la vie que les imbĂ©ciles parcourent Ă toute vitesse, sans prendre le temps de la regarder, la vie pleine de secrets admirables quâelle met Ă la disposition de tous, et que personne ne lui demande jamais », Ă©crira-t-il Ă la fin de ses jours.â Ă LIRE. La Plume et le goupillon » Ă©crivain catho, quĂšsaco ?Peintre de lâĂąme humaine, Bernanos dĂ©ploie dans ses romans un imaginaire tourmentĂ©, oĂč le nuancier des ombres semble infini. Il fait surgir des campagnes nocturnes, oĂč les hommes sâenlisent dans la boue de leurs rancĆurs et de leurs rĂȘves déçus, compose des intĂ©rieurs bourgeois oĂč ils guettent leur vain reflet dans les miroirs des mondanitĂ©s. Entre ciel et terre, il dresse une scĂšne pour raconter lâĂ©popĂ©e de lâhumanitĂ© confrontĂ©e Ă la souffrance, Ă la malveillance, au mĂ©pris, mais oĂč un geste de compassion, un regard, une prĂ©sence, peuvent fendre les tĂ©nĂšbres, et faire briller une lumiĂšre film Le journal d' un cure de campagne », d'aprĂšs Georges Bernanos, rĂ©alisĂ© par Robert Bresson, avec Claude Laydu et Nicole Ladmiral, est sorti en 1951. / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA Câest sous le signe de la dĂ©faite que sâavance la cohorte humaine, et câest pourquoi lâespĂ©rance est la grande affaire de lâĆuvre de Bernanos. Une espĂ©rance qui nâa rien Ă voir avec lâoptimisme, que lâĂ©crivain moque, mĂ©prisant ceux qui font profession dâoptimisme sous prĂ©texte quâil ne faut dĂ©courager personne », renvoyant dos Ă dos lâoptimiste, imbĂ©cile heureux » et le pessimiste, imbĂ©cile malheureux ». Chez Bernanos, lâespĂ©rance nâest pas une bouffĂ©e dâair qui arrive en ouvrant la fenĂȘtre, elle se conquiert par une traversĂ©e des apparences, souligne François Angelier. Câest un voyage au bout de la nuit, mais pour Bernanos une aurore se lĂšve au bout de la nuit. Le paradis est derriĂšre des murs. On y arrive couverts de gravats, aprĂšs avoir percĂ© le dĂ©sespoir. »Ăcrivain de lâespĂ©ranceLâespĂ©rance ne prend rĂ©ellement consistance que par le contraste de ce Ă quoi elle sâoppose la dĂ©sespĂ©rance. Il faut avoir touchĂ© le fond de la dĂ©sespĂ©rance pour pouvoir espĂ©rer, avoir touchĂ© cette humiliation souvent partagĂ©e par les hommes et les femmes, hier comme aujourdâhui », complĂšte le pĂšre François Marxer, professeur dâhistoire de la spiritualitĂ© et de thĂ©ologie spirituelle au Centre SĂšvres-FacultĂ©s jĂ©suites de Paris. Chez Bernanos comme chez saint Paul, la crĂ©ation est prise dans les tourments dâun gigantesque accouchement. Câest lĂ quâintervient lâespĂ©rance on nâespĂšre que parce quâon ne sait pas vers quoi lâon va. Si on le savait, il nây aurait pas Ă espĂ©rer. LâespĂ©rance est alors la confiance en une promesse, celle que âRien ne pourra nous sĂ©parer de lâamour du Christâ Rm 8,35. »Dans le jeu des forces qui travaillent le monde, peu dâĂ©crivains auront comme lui pris part aux combats de leur temps pour dĂ©fendre la dignitĂ© de lâhomme, avec une libertĂ© qui le rend inclassable sur lâĂ©chiquier politique. En 1932, il formalise son opposition au monde bourgeois et capitaliste, sa hantise du conformisme et de la sociĂ©tĂ© technique dans La Grande Peur des vivre Ă Majorque en 1934, il assiste Ă la guerre civile espagnole et Ă la rĂ©pression des troupes franquistes, quâil dĂ©nonce avec courage et dont il tĂ©moignera dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune 1938. ParallĂšlement, il sâoppose trĂšs tĂŽt au fascisme italien et au nazisme. Avec son dĂ©part pour le BrĂ©sil en 1938, son regard ne perd rien en acuitĂ© malgrĂ© la distance. Il sâalarme des reculades devant Hitler et conspue lâesprit de Munich ». Apprenant avec horreur la capitulation de la France et la signature de lâarmistice en juin 1940, il condamne immĂ©diatement le rĂ©gime de Vichy et prend le parti de De Gaulle. Mouchette », de Robert Bresson avec Nadine Nortier, sorti en 1967, est lâadaptation du roman de Bernanos Nouvelle histoire de Mouchette ». / Rue des Archives/Rue des Archives/RDA CĂ©lĂ©brĂ© comme lâune des grandes voix de la RĂ©sistance aprĂšs-guerre, Bernanos aurait pu rentrer dans le rang, jouir des honneurs. Dans la droite ligne de ses prĂ©cĂ©dentes batailles, un autre combat va pourtant sâimposer Ă lui. Au lendemain de Hiroshima et alors que lâamerican way of life sâannonce comme le nouvel horizon de la France, lâĂ©crivain pressent lâavĂšnement de la civilisation des Machines », celle dâun totalitarisme capitaliste et technique, qui soumet tout Ă la logique du profit, de lâefficience et du rendement, au culte de la vitesse et de lâargent. RestĂ© fidĂšle Ă une vision idĂ©alisĂ©e de la monarchie, Bernanos critique la dĂ©mocratie comme un bouclier ridicule face Ă ce danger, raille la naĂŻvetĂ© des anciens rĂ©sistants, et notamment des ses propos ne manquent pas dâoutrances, celles-ci sont Ă la hauteur de son inquiĂ©tude et de sa dĂ©ception de voir les Français ne sortir dâune imposture que pour rentrer dans une autre ». Quoi quâil en soit, lâavenir lui paraĂźt tĂ©nĂ©breux. LâĂtat technique nâaura demain quâun seul ennemi âlâhomme qui ne fait pas comme tout le mondeâ â ou encore âlâhomme qui a du temps Ă perdreâ â ou plus simplement si vous voulez âlâhomme qui croit Ă autre chose quâĂ la Techniqueâ », alerte-t-il dans La France contre les prophĂšte radical Dans la critique de la sociĂ©tĂ© technicienne, Bernanos prĂ©cĂšde le cortĂšge des Ellul, Charbonneau, GĂŒnther Anders et tous les autres », analyse François Angelier. Ă relire ses derniers Ă©crits aujourdâhui, câest la voix dâun prophĂšte, avec sa radicalitĂ©, que lâon entend. Rien du monde moderne nâĂ©chappe aux foudres de Bernanos, au point quâon a pu lui reprocher de cĂ©der Ă la tentation du dĂ©sespoir, qui suinte aussi de son dernier roman Monsieur Ouine 1946.LâĂ©crivain est convaincu que la rĂ©ponse est spirituelle, or il constate que le monde se dĂ©spiritualise. Il attend une Ăglise des BĂ©atitudes, marquĂ© du sceau de la justice et de la pauvretĂ©, et son Ăglise ne cesse de se compromettre avec les puissants. Nây aurait-il pas de quoi perdre courage ? Pourtant sous la surface des choses, il y a une profondeur oĂč Dieu travaille, il y a une endurance de Dieu, qui ne sâavoue jamais vaincu, mĂȘme sâil se heurte Ă beaucoup de refus et surtout dâindiffĂ©rence, souligne le pĂšre François Marxer. Bernanos Ă©met une protestation presque rageuse contre la lĂąchetĂ© des hiĂ©rarques ecclĂ©siastiques, mais il croit Ă la petite bontĂ© des petites gens, Ă la saintetĂ© qui sâignore. »GĂ©rard Depardieu incarne lâabbĂ© Donissan dans Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat, sorti en 1987. Pour lâĂ©crivain, surtout, Dieu nâest pas prisonnier de lâĂglise et son amour emprunte dans le monde des chemins toujours inattendus. Bernanos nâest pas clĂ©rical du tout. Il croit aux valeurs de justice, de charitĂ©, dâĂ©galitĂ© et celui qui sâengage pour ces valeurs se conduit Ă ses yeux en chrĂ©tien, quâil le sache ou non », complĂšte Monique Gosselin-Noat, professeure honoraire des universitĂ©s, spĂ©cialiste de lâĆuvre de Bernanos. Ainsi, Bernanos est convaincu quâil y a des forces surnaturelles en marche partout, qui travaille le monde comme le levain dans la pĂąte. »InquiĂ©tants, vĂ©hĂ©ments, ses derniers Ă©crits sont toujours portĂ©s par son immense tendresse pour lâhumanitĂ© et par son absolue fidĂ©litĂ© Ă ses convictions. Bernanos a tout sacrifiĂ© â sa famille, son confort, sa carriĂšre⊠â aux vĂ©ritĂ©s dont il sâest voulu le serviteur, rappelle François Angelier. Il nây a chez lui aucune porte dĂ©robĂ©e. »Si lâĂ©crivain dĂ©nonce compromis et compromissions, comme un briseur dâidoles, câest parce quâil ne renonce pas Ă transmettre le feu de lâĂvangile. Si nous venons Ă bout de notre tĂąche, ceux pour qui nous sommes nĂ©s et qui ne sont pas encore tireront de nos doutes leurs certitudes, car de cette tentation du dĂ©sespoir, qui forme la trame de nos vies, le temps fera jaillir une nouvelle source dâespĂ©rance », avait-il confiĂ© Ă un ami, en 1937. Ă nous donc, il espĂšre transmettre le courage de crĂ©er ».Se laisser aimanter par la libertĂ©Un souffle parcourt les Ă©crits de Bernanos, celui de la libertĂ©. Elle est la boussole de ses engagements, de ses indignations mais aussi lâhorizon vers lequel il ne cesse de marcher. La libertĂ© est pour lui enracinĂ©e dans la foi chrĂ©tienne lâhomme, image dâun Dieu dâamour, a Ă©tĂ© créé pour la libertĂ©, car lâamour sans la libertĂ© ne peut exister. Lâamour est un choix libre ou il nâest rien », rĂ©sume-t-il dâun trait dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Toute son Ćuvre fait Ă©cho Ă la Lettre aux Galates, oĂč lâapĂŽtre Paul proclame Câest pour la libertĂ© que le Christ nous a affranchis » Ga 5,1. La libertĂ© vient du Christ, qui a brisĂ© les chaĂźnes â la fatalitĂ© des vies manquĂ©es, perdues, le destin, fatum â, toutes les fatalitĂ©s ensemble, celles du sang, de la race, des habitudes, et celles encore de nos erreurs ou de nos fautes » Les Enfants humiliĂ©s. Bernanos vient dâun monde philosophique oĂč on insistait beaucoup sur le dĂ©terminisme dĂ©terminisme des lois physiques, de lâespĂšce, de la race, qui a pour lui le sens de lâensemble social dont on est issu, rappelle Monique Gosselin-Noat. Lui affirme le caractĂšre central de la libertĂ©. » LâĂ©crivain nâignore pas que la libertĂ© est toujours entravĂ©e, prisonniĂšre, Ă©touffĂ©e, mais elle nâest pour lui jamais rĂ©duite Ă nĂ©ant. Jâignore quelle est ma part de libertĂ©, grande ou petite. Je crois seulement que Dieu mâen a laissĂ© ce quâil faut pour que je la remette un jour entre ses mains », fait-il dire Ă son hĂ©ros, le curĂ© dâAmbricourt, dans Journal dâun curĂ© de lâencontre dâun christianisme moutonnier ou conformiste, Bernanos croit Ă la grandeur de la libertĂ© individuelle. Le souci de cette libertĂ© se place pour lui au cĆur de la vie chrĂ©tienne, avant mĂȘme toute question de morale. Il ne sâagit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux ou si mĂȘme elle les rend moraux. Il ne sâagit pas de savoir si elle favorise plutĂŽt le mal que le bien, car Dieu est maĂźtre du Mal comme du Bien. Il me suffit quâelle rende lâhomme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation dâhomme », Ă©crit-il dans La France contre les que les autoritĂ©s religieuses concentrent leurs regards sur les pĂ©chĂ©s sexuels, le pĂ©chĂ© de servitude lui paraĂźt bien plus redoutable. Le vice de servitude va aussi profond dans lâhomme que celui de la luxure, et peut-ĂȘtre que les deux ne font quâun. » Sur les plans religieux et politique, la libertĂ© nâest jamais une question abstraite. Elle doit ĂȘtre mise en Ćuvre, car on perd la libertĂ©, faute de sâen servir » La France contre les robots.Retrouver lâesprit dâenfancePour Bernanos, lâespĂ©rance a un visage dâenfant. On retrouve dans ses Ă©crits les traces de pas de la petite fille espĂ©rance » cĂ©lĂ©brĂ©e par Charles PĂ©guy, cette petite fille de rien du tout ⊠qui traversera les mondes rĂ©volus » 2. Lâenfant est un maĂźtre, par la confiance quâil sait accorder, par sa sincĂ©ritĂ©, sa gĂ©nĂ©rositĂ©, sa simplicitĂ©, son audace, autant de traits qui caractĂ©risent Ă ses yeux la vie spirituelle et son esprit dâenfance ». Lâesprit dâenfance, câest un esprit dâabandon Ă Dieu, comme lâenfant fait confiance Ă sa mĂšre, sans trop penser au lendemain. Câest la simplicitĂ© au sens fort du terme, explique Monique Gosselin-Noat. Câest le refus de trop organiser sa vie, de la prendre trop en main. En mĂȘme temps, ce nâest pas un Ă©loge de lâimprĂ©voyance. Ce nâest pas du tout jouer Ă lâenfant. »Il nây a pas de nostalgie chez Bernanos, ni de regret dâune enfance perdue. Pour lui, lâenfant ne sâefface pas mais demeure en chacun. DissimulĂ© en la plupart des hommes, il ne demeure visible que chez les saints. Retrouver le chemin de lâespĂ©rance consiste donc Ă retrouver lâenfant en soi et Ă lui rester est toujours un gardien de lâespĂ©rance, car il conserve le secret de la vie lâamour donnĂ©. Lorsquâon se retourne vers sa propre enfance, quâon lâappelle de loin, si las non de vivre mais dâavoir vĂ©cu, elle nous rĂ©pond de sa voix douce âIl nây a quâune erreur et quâun malheur au monde, câest de ne pas savoir assez aimerâ », Ă©crit-il dans Nous autres français. Lâunivers bernanossien ne se rĂ©partit pas entre les bons et les mĂ©chants, mais, ce qui est tout diffĂ©rent, entre les saints, qui ont gardĂ© la fidĂ©litĂ© Ă lâenfance, et les malheureux qui lâont perdue. Dâun cĂŽtĂ© les puissances dâamour, oĂč se manifeste la survie de lâesprit dâenfance ; de lâautre cĂŽtĂ©, lâimpuissance Ă aimer », commente Albert BĂ©guin, directeur de la revue Esprit 1950-1957, qui fut son ami et lâun de ses premiers saints que Bernanos prĂ©fĂšre sont ceux qui sont restĂ©s enfants François dâAssise, Jeanne dâArc, ThĂ©rĂšse de Lisieux, Charles de Foucault⊠La Vierge Marie, elle-mĂȘme, est prĂ©sentĂ©e par le curĂ© de Torcy, dans Journal dâun curĂ© de campagne, comme la petite fille » du genre humain. Dans ses romans, les personnages qui sâapprochent le plus de la saintetĂ© â Donissan, Chevance, le curĂ© dâAmbricourt, Chantal de Clergerie⊠â sont des ĂȘtres restĂ©s enfants, sans habiletĂ©, sans imposture, sans lâhonneurSous la plume de Bernanos, il nây a pas dâespĂ©rance possible sans honneur, mais que faut-il entendre exactement par ce mot qui sonne aujourdâhui si vieille France » ? Lâhonneur nâa rien Ă voir avec les titres et les dĂ©corations qui manifestent lâhonneur social â lâĂ©crivain a dâailleurs refusĂ© quatre fois la LĂ©gion dâhonneur, au motif que les gens dâhonneur ne sont pas lĂ©gion », un fauteuil Ă lâAcadĂ©mie française, parce quâ il y a des vĂ©ritĂ©s quâon ne saurait dire ni mĂȘme Ă©crire en habit de carnaval ». Lâhonneur tel que Bernanos lâenvisage est ce qui fait quâon peut sâestimer lĂ©gitimement soi-mĂȘme, alors que la haine de soi est toujours le signe de lâenfer. Lâhonneur, pour Bernanos, câest lâestime de soi, le respect des valeurs qui sont importantes pour soi. Une fidĂ©litĂ© aux valeurs quâon a cru devoir Ă©lire. Mais cette fidĂ©litĂ© ne peut ĂȘtre totale que si on fait confiance Ă Dieu, indique Monique Gosselin-Noat. Toute rigiditĂ© pour rester fidĂšle Ă des valeurs vous Ă©carte du droit chemin. »Lâhonneur a indĂ©niablement, chez Bernanos le monarchiste, des accents chevaleresques. Ses figures historiques sont Jeanne dâArc, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle et les insurgĂ©s de juin 1940, mais lâhonneur sâincarne tout autant dans les fidĂ©litĂ©s les plus quotidiennes. Il nâest pas le fait des hĂ©ros, mais celui des saints, qui cherchent non pas Ă dĂ©passer la condition humaine, mais Ă lâassumer jusquâau bout, Ă lâimage du Christ. Au contraire, le diable, voyez-vous, câest lâami qui ne reste jamais jusquâau bout », Ă©crit-il dans Monsieur manquer dâhonneur ne condamne pas nĂ©cessairement. Car le salut ne se joue pas simplement sur le plan individuel. Câest un drame collectif, oĂč les ĂȘtres sont unis les uns aux autres. Bernanos croit en la communion des saints, quâil envisage comme une solidaritĂ© entre humains, par laquelle les mĂ©rites des uns peuvent venir pallier les faiblesses des rĂ©seau de liens invisibles est une source dâespĂ©rance, car de mystĂ©rieux Ă©changes peuvent ainsi avoir lieu, comme entre Mouchette la criminelle et le curĂ© de Lumbres dans Sous le soleil de Satan, entre lâabbĂ© Chevance et la petite Chantal dans La Joie, entre Blanche de la Force et la prieure Mme de Croissy dans Dialogues des carmĂ©lites. On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă la place des autres, qui sait ? » questionne Bernanos dans cette Ćuvre la source intĂ©rieureBernanos en est convaincu, la vie intĂ©rieure est une nĂ©cessitĂ© pour lâhomme. Ni le scientisme, ni le rationalisme, ni le psychologisme ne peuvent apporter de rĂ©ponses convaincantes au mystĂšre de sa destinĂ©e, Ă lâaffrontement du bien et du mal qui le dĂ©chire, Ă lâangoisse de la mort qui le tenaille, Ă la dĂ©livrance quâil peut bien Ă©touffer en lui la vie intĂ©rieure, elle demeure prĂ©sente, telle une source cachĂ©e dans les profondeurs de son ĂȘtre que rien ne peut empĂȘcher de sourdre. Dans La LibertĂ©, pour quoi faire ?, il dĂ©crit cette source avec lyrisme Elle est lĂ en chacun de nous, la citerne ouverte sur le ciel. Sans doute, la surface en est encombrĂ©e de dĂ©bris, de branches brisĂ©es, de feuilles mortes, dâoĂč monte parfois une odeur de mort. ⊠Mais au-dessous de cette couche malsaine, lâeau est tout de suite si limpide et si pure ! Encore un peu plus profond, et lâĂąme se trouve dans son Ă©lĂ©ment natal âŠ. La foi que quelques-uns dâentre vous se plaignent de ne pas connaĂźtre, elle est en eux, elle remplit leur vie intĂ©rieure, elle est cette vie intĂ©rieure mĂȘme par quoi tout homme, riche ou pauvre, ignorant ou savant, peut prendre contact avec le divin, câest-Ă -dire avec lâamour universel, dont la crĂ©ation tout entiĂšre nâest que le jaillissement inĂ©puisable. »Aussi importe-t-il pour chacun de descendre en ce lieu intime, alors que le pĂ©chĂ© nous fait vivre Ă la surface de nous-mĂȘme » journal, 24 janvier 1948. Bernanos lui-mĂȘme Ă©tait un homme de priĂšre, allant Ă la messe chaque jour et rĂ©citant le brĂ©viaire seul quand il Ă©tait empĂȘchĂ© dây Ă cette source est toujours lâobjet dâun combat spirituel et lâeffort est encore plus important Ă fournir dans la sociĂ©tĂ© technicienne », rĂ©gie par des logiques de rendement, de profit et de vitesse, contraires Ă la vie spirituelle. La sociĂ©tĂ© moderne conspire » contre cette vie intĂ©rieure avec son activitĂ© dĂ©lirante, son furieux besoin de distraction et cette abominable dissipation dâĂ©nergies spirituelles dĂ©gradĂ©es » La LibertĂ©, pour quoi faire ?.Sous la pression de la vie moderne, la vie intĂ©rieure prend progressivement un caractĂšre anormal » et risque dâĂȘtre remplacĂ©e par un vague retour sur soi la seule espĂšce de vie intĂ©rieure que le Technicien pourrait permettre serait tout juste celle nĂ©cessaire Ă une modeste introspection, contrĂŽlĂ©e par le mĂ©decin, afin de dĂ©velopper lâoptimisme », grince lâ fier Ă la pauvretĂ©La pauvretĂ©, Bernanos nâen parle pas de loin, en amateur, en curieux » â comme il prend soin de le prĂ©ciser dans Les Enfants humiliĂ©s â mais en connaissance de cause. Toute sa vie, il a refusĂ© non seulement le culte de lâargent, mais aussi dâordonner ses choix au confort de la vie matĂ©rielle. Il en aura payĂ© le prix. Ă de nombreuses reprises, sa correspondance Ă©voque les affres dans lesquels sa dĂ©cision de vivre de sa plume, sans se compromettre dans des publications secondaires alimentaires, lâaura plongĂ© avec sa Bernanos, la pauvretĂ© nâest pas la misĂšre, qui est un mal qui tue les hommes au fond de leur solitude, Ă la maniĂšre de la dysenterie, de la fiĂšvre ou du typhus », constate lâĂ©crivain, en 1940, du fond de ses terres brĂ©siliennes. ConsidĂ©rĂ©e positivement, la pauvretĂ© signale une vie placĂ©e sous le signe de lâEsprit et non de lâavoir. Celui qui est pauvre â dans lâordre de la pauvretĂ© », les degrĂ©s sont variĂ©s â ne compte pas sur lui-mĂȘme, ne prĂ©tend pas maĂźtriser le pauvretĂ© peut alors ĂȘtre une libĂ©ratrice et une protectrice. La pauvretĂ© mâa beaucoup moins imposĂ© dâĂ©preuves quâĂ©pargnĂ© de sottises, et si les pauvres â je dis les pauvres, non pas les misĂ©rables, hĂ©las ! â voulaient ĂȘtre sincĂšres, ils reconnaĂźtraient comme moi que leur PauvretĂ© en agit de mĂȘme avec eux, quâelle est la merveilleuse et gracieuse intendante non de leurs biens, mais de leur vie », tĂ©moigne le monde moderne, la pauvretĂ© est un dĂ©fi lancĂ© au culte idolĂątre de lâargent. DĂšs lors, lâespĂ©rance est liĂ©e au sort des pauvres, qui sont les pierres dâachoppement dâune sociĂ©tĂ© de lâefficacitĂ© et de lâavoir. LâespĂ©rance est au cĆur de la patience des pauvres », souligne Monique Gosselin-Noat. Câest Ă eux que lâĂ©crivain remet le salut du monde, car eux seuls nâont pas perdu lâhabitude de lâespĂ©rance dans un monde de dĂ©sespĂ©rĂ©s ». Le reste du monde dĂ©sire, convoite, revendique, exige, et il appelle tout cela espĂ©rer, parce quâil nâa ni patience, ni honneur, il ne veut que jouir et la jouissance ne saurait attendre ; lâattente de la jouissance ne peut sâappeler une espĂ©rance, ce serait plutĂŽt un dĂ©lire, une agonie. LâespĂ©rance est une nourriture trop douce pour lâambitieux, elle risquerait dâattendrir son cĆur. Le monde moderne nâa pas le temps dâespĂ©rer, ni dâaimer, ni de rĂȘver. Ce sont les pauvres qui espĂšrent Ă sa place », Ă©crit Bernanos dans Les Enfants humiliĂ©s. 1 Georges Bernanos. La colĂšre et la grĂące, Seuil, 640 p., 25 âŹ2 Le Porche du mystĂšre de la deuxiĂšme vertu, Gallimard, 192 p.,10,60 âŹ
GeorgesBernanos, histoire dâun homme libre Le documentaire, « Georges Bernanos â Histoire dâun homme libre », qui vient dâĂȘtre rĂ©alisĂ© par Yves Bernanos et Jean-Pascal Hattu (cliquer sur lâaffiche du film pour consulter le dossier de presse), sera diffusĂ© sur France 3 Hauts-de-France le lundi 30 septembre, Ă 22h35. La chaine rĂ©gionale est accessible sur toutes les box, sur